L’impact de la pandémie du coronavirus en Afrique centrale et dans la CEMAC en particulier, a été au cœur des échanges cette fin de semaine, entre la presse et le directeur général Afrique centrale de la Banque africaine de développement (BAD), Solomane Koné.
A l’occasion, il a passé en revue, la situation économique de la sous-région, avant de décliner les projections. De l’avis de Solomane Koné, « Le Covid-19 est une pandémie qui affecte toutes les économies du monde sans discrimination, avec bien sûr un impact négatif plus marqué sur les économies les plus fragiles. Celles-ci paient un lourd tribut. C’est le cas de la plupart des pays du continent ».
Autrement dit, « les pays d’Afrique centrale notamment ceux qui font face à des situations de fragilité sociale, économique et sécuritaire sont davantage touchés. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une récession économique d’une ampleur phénoménale.
Les pays d’Afrique centrale pour lesquels l’incidence de la pandémie de Covid-19 sera très négative sont ceux de la zone CEMAC, exportateurs nets de pétrole, car les cours mondiaux de l’or noir sont actuellement inférieurs aux prix de référence retenus dans leurs budgets respectifs, explique-t-il.
Dans ce cadre, M. Koné décline les principaux domaines d’impact de la pandémie sur les pays africains. Il cite notamment : la baisse des cours des matières premières et leurs effets induits sur les exportations et le commerce international des pays de la région.
A cela s’ajoute la baisse des flux touristiques, en raison des restrictions des voyages et des annulations d’hébergements et de services hôteliers, ainsi qu’une baisse des investissements directs étrangers et la chute des flux sur les marchés financiers ainsi que l’impact sur les budgets dédiés à la santé et à l’éducation.
La BAD est actuellement à pied d’œuvre pour déterminer des projections chiffrées de l’impact de cette crise sanitaire sur les économies des pays du continent. Occasion pour M. Koné d’apprécier les efforts de la CEMAC qui donnent une idée des estimations de l’ampleur de l’incidence quantitative de cette pandémie, en termes de perte de taux de croissance, de détérioration des finances publiques (dégradation du solde budgétaire) et du commerce extérieur (dégradation du solde courant).
S’agissant du secteur réel, le directeur général Afrique centrale de la BAD relève que les économies de la région devraient enregistrer une baisse de leur taux de croissance. Selon lui, « les perspectives de croissance à moyen terme en Afrique centrale, avant la pandémie de Coronavirus, étaient favorables ».
Selon les projections initiales de la Banque, les taux de croissance pré-Covid-19 du PIB réel devaient s’établir en 2020 à 3,4 % pour la zone CEMAC et à 3,5 % pour toute la région Afrique centrale, c’est-à-dire la zone CEMAC plus la République démocratique du Congo.
Mais ces perspectives pourraient être plus sombres avec l’avènement de cette pandémie. En outre, les nouvelles projections de la CEMAC indiquent que le taux de croissance de la zone s’établirait, dans une hypothèse optimiste de maîtrise de la situation à court terme, à -1,6% en 2020, soit une baisse de 4,9% comparativement aux projections initiales pré-Covid-19 de 3,3%.
Solomane Koné explique en outre que : « Cette perte de croissance pourrait être causée par un recul de la production, compte tenu de la baisse des prix des matières premières, notamment du pétrole, dont la région est exportatrice nette. La région pourrait enregistrer des faillites d’entreprises et des pertes d’emplois. Le ciblage des mesures gouvernementales pour ce segment doit faire l’objet d’une attention particulière».
Au niveau des prix, la BAD souligne qu’un double effet pourrait se produire, dont la résultante dépendra du niveau de perturbation des chaînes d’approvisionnement, non seulement sur le plan international, mais également au niveau national.
Il s’agit notamment du recul des tensions inflationnistes en relation avec la contraction de la demande intérieure et d’une exacerbation de ces tensions si les approvisionnements en biens et services ne sont pas convenablement assurés.
Au niveau des finances publiques, il déclare que « les soldes budgétaires devraient connaître une détérioration significative. Les projections pré-Covid-19 prévoyaient en 2020 un excédent budgétaire en Afrique centrale de l’ordre de 0,5% du PIB pour toute la région et de 0,9% pour la zone CEMAC. Les projections post-Covid-19 de la CEMAC indiquent que le solde budgétaire global de la zone se creuserait plutôt de 7,5% du PIB pour s’établir à -6,6% du PIB ».
En outre, précise-t-il, « Cette détérioration des finances publiques résulterait à la fois de la baisse des recettes budgétaires (consécutivement à la baisse des cours des matières premières et de la baisse de l’assiette fiscale fondée sur l’activité économique en pleine contraction significative), ainsi que d’une augmentation relative des dépenses publiques (compte tenu notamment de l’augmentation potentielle des dépenses liées aux systèmes de santé et de soutien aux secteurs les plus touchés par la pandémie) ».
Sur le secteur extérieur, « le solde courant de la région devrait sans surprise se détériorer davantage. Les projections initiales de la BAD avaient prévu, pour 2020, un solde courant déficitaire de 2,8% du PIB pour l’Afrique centrale et de 2% pour la CEMAC. La révision de ces projections après l’avènement du Covid-19 indique que le déficit du solde courant se creuserait davantage de 8,6% pour s’établir à 10,3% du PIB, en lien avec la détérioration des termes de l’échange, la baisse des exportations et une possible progression des importations», indique-t-il.
Avant de conclure que : «le creusement du déficit courant pourrait se traduire par une forte baisse des réserves de change. Par ailleurs, la diminution des recettes d’exportation et budgétaires pourrait impacter la capacité des pays à honorer le service de la dette extérieure d’où la pertinence des propositions de certains gouvernements du G20 et d’institutions multilatérales en faveur des rééchelonnements et des remises de dettes ».